L’homme est-il bon ou mauvais ? Sans doute un peu des deux. Thibault Isabel nous offre une série d’aphorismes afin d’envisager la nature humaine par-delà bien et mal.
S’il fallait penser beaucoup de bien des hommes pour les aimer, on n’aurait d’autre choix que de les haïr. Heureusement, l’amour n’a pas de morale.
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Les braves imbéciles ont davantage de valeur que les génies malveillants, dont l’intelligence démultiplie le poids de la méchanceté, tandis que la gentillesse atténue les méfaits de la bêtise.
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La valeur de l’intelligence doit être rapportée à la valeur du comportement. La finesse est une vertu chez les personnes honnêtes, et un vice chez les escrocs.
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Un mérite auquel on ne rend pas hommage aura toutes les chances de s’éteindre avec le temps. C’est pourquoi l’indifférence aux vertus est plus grave que la disposition au vice : elle contribue à avilir le monde en plus de nous avilir nous-mêmes.
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Lord Acton disait : « Le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument. » En réalité, le pouvoir ne saurait corrompre les hommes, qui sont naturellement portés à la mesquinerie. Mais il offre des opportunités nouvelles à leurs vices.
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Les hommes sont moins mauvais qu’on ne l’imagine ; c’est que la méchanceté exige du caractère, et qu’ils en ont peu.
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La pire crapule poussera toujours le paradoxe jusqu’à l’acte de bravoure désintéressé.
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L’homme n’est ni bon, ni mauvais : son potentiel de méchanceté se confond avec son potentiel de gentillesse. On fait preuve de vigueur ou de mollesse, dans le bien comme dans le mal.
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Les cyniques aiment voir le mal partout pour ne pas se sentir obligés de faire le bien autour d’eux.
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En acceptant sans gêne un statut de victime, on est prêt à devenir bourreau.
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Les démons s’entre-dévorent et laissent les anges à l’écart. Les anges s’indignent de la querelle et achèvent les démons.
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Aigries contre le monde, les belles âmes s’acharnent à lui préférer les chimères doucereuses de leur idéal.
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La charité abstraite parodie et vampirise la générosité incarnée. Comme le notait Rousseau, on ne prétend aimer l’univers que pour s’épargner la peine de supporter ses proches.
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L’ordinaire des hommes prend la rigueur pour de la méchanceté et les bons sentiments pour de la gentillesse.
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On a vite fait de haïr ceux qu’on a trop besoin d’aimer. Le sentimental n’est qu’un paranoïaque qui s’ignore et se réveillera peut-être, passé son moment d’euphorie.
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Rien n’est plus dangereux qu’une âme pure aux abois.
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Lorsqu’on défend une cause avec véhémence, c’est rarement parce qu’on aime la cause, et presque toujours parce qu’on est véhément.
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Notre tendance naturelle nous pousse à plébisciter la violence quand elle est vaine, et à nous en détourner quand elle s’impose.
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Nous avons besoin de cœurs fiers et durs pour mener les guerres, et de cœurs modestes et tendres pour préserver les paix. La dureté et l’ambition sont aussi légitimes que la tendresse et l’amour. Tous ces sentiments manifestent à leur manière notre force de vie.
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Sois dur face à la dureté ; mais n’oublie pas ensuite d’être doux face à la douceur.
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Le pacifisme, par sa naïveté, est une expression de la peur de la guerre, qui est aussi la peur de la vie.
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S’il est réellement adulte, l’homme se doit d’être à la fois indépendant et solidaire ; il s’assure ainsi une sécurité inaliénable, mais minimale, grâce à ses talents propres, ainsi qu’une sécurité plus étendue, mais incertaine, grâce au soutien de ses alliés.
L’imbécile veut tout pouvoir par lui-même ou être indéfectiblement protégé par les autres.
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L’aspiration frustrée prend la forme de la colère quand elle est mature et de la rage quand elle ne l’est pas. Il faut donc savoir transformer sa rage en colère pour apprendre à mépriser avec raison : la rage ne connaît pas de limites, tandis que la colère spécifie son objet.
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On ne hait jamais autant un homme que lorsqu’on lui a causé du tort.
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La noblesse des sentiments qu’on éprouve envers les autres dépend de la noblesse des sentiments qu’on éprouve envers soi.
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